- ORLANDO (V. E.)
- ORLANDO (V. E.)ORLANDO VITTORIO EMANUELE (1860-1952)Juriste et homme d’État italien, Vittorio Emanuele Orlando acquiert, dès 1885, une grande renommée par ses publications scientifiques. Député libéral modéré de 1897 à 1924, il occupe une position de premier plan à la Chambre et collabore avec Giolitti, qui en fait son ministre de l’Instruction publique (de 1903 à 1905) puis de la Justice (de 1907 à 1909).Il détient également ce dernier portefeuille dans le gouvernement Salandra (de 1914 à 1916). Son rôle historique commence en 1917, au lendemain de la défaite de Caporetto: Orlando devient président du Conseil, à la tête d’une formation d’union nationale, dont le mot d’ordre est «Résister, résister, résister!» Avec beaucoup d’énergie, il s’emploie à rétablir les forces militaires et morales du pays, à développer l’économie de guerre et à conduire la nation à la victoire.Chef de la délégation italienne à la Conférence de la paix, il se heurte à la difficile tâche de faire accepter l’exécution des clauses du pacte de Londres de 1915, qui avait prévu pour l’Italie, en échange de son intervention aux côtés de l’Entente, de vastes compensations territoriales aux dépens de l’Autriche et des acquisitions en Asie Mineure et en Afrique. Orlando comprend qu’il lui sera malaisé d’aboutir, mais il est prisonnier des exigences de l’opinion publique et de l’intransigeance de Sonnino, négociateur du pacte de Londres. Clemenceau et Wilson, chaud partisan de la politique des nationalités, soutiennent le jeune État yougoslave et, en mars 1919, Orlando croit bon de prendre un gage en faisant débarquer des troupes à Adalia, en Turquie, et en envoyant une force navale devant Smyrne. (Dès février, il avait brandi la menace d’un retrait italien des négociations si ses demandes n’étaient pas satisfaites.) Wilson commet la maladresse d’adresser directement au peuple italien une proclamation qui résonne comme un désaveu d’Orlando; après une protestation solennelle, le chef de la délégation quitte Versailles, accompagné de Sonnino; au milieu de vibrantes démonstrations populaires, il voit sa détermination approuvée par la Chambre, mais, au lieu d’exploiter ce succès, il s’attarde dans la capitale. Cette faute de tactique lui est fatale car, entre-temps, les puissances avaient déclaré qu’elles régleraient le sort de l’Autriche, au besoin sans l’Italie; Clemenceau et Lloyd George s’apprêtent à annoncer que, devant l’état de fait créé par le gouvernement de Rome, ils ne se considèrent plus comme liés par le pacte de Londres. Comme l’aide économique américaine se révèle indispensable et que la situation se dégrade, Orlando et Sonnino reprennent secrètement, le 5 mai, le chemin de la France. Accueillis de façon glaciale, ils ne veulent pas tenter de regagner le terrain perdu et se cantonnent dans une position passive d’«absence morale», lors de l’élaboration du traité de Versailles avec l’Allemagne. Ils escomptent que cette temporisation leur permettra d’attendre les prochaines élections présidentielles américaines et l’élimination de Wilson. L’irritation franco-anglaise est accrue par le débarquement de troupes italiennes à Smyrne. Au demeurant, Paris et Londres, par les accords secrets Sykes-Picot de février 1916, avaient déjà résolu d’évincer l’Italie d’Asie Mineure et de lui refuser tout agrandissement colonial en Afrique. Aussi, au traité de Saint-Germain-en-Laye, l’Italie n’obtient-elle que le Trentin et le Haut-Adige jusqu’au Brenner, ainsi que Trieste et l’Istrie, mais elle doit renoncer à la Dalmatie centrale et, surtout, à Fiume, malgré les instances d’Orlando. Ces résultats, limités en regard des ambitions italiennes, sont dus à l’erreur d’appréciation d’Orlando et de Sonnino qui ont spéculé sur la survie d’une Autriche-Hongrie, sacrifiée aux nationalités balkaniques et danubiennes ainsi qu’à une intransigeance sans rapport avec la puissance réelle du gouvernement de Rome. La «victoire mutilée», dont la responsabilité, véhémentement dénoncée par les nationalistes, est attribuée à Orlando, suscite un mécontentement qui aboutit à sa chute.Élu en décembre de la même année sur la liste du bloc national incluant les fascistes, il est porté à la présidence de la Chambre. Après une attitude d’expectative devant la montée de Mussolini au pouvoir, il passe à une opposition passive, à l’exemple d’autres leaders libéraux, et, rentré dans la vie privée, il se voue à l’enseignement et au barreau. En 1931, plutôt que de prêter le serment de fidélité imposé aux professeurs d’université par le régime, il demande sa retraite.En juin 1944, il est invité par Bonomi, président du Conseil, à reprendre ses fonctions de président de la Chambre afin de symboliser la continuité du pouvoir démocratique restauré. Président de la société Dante Alighieri et du conseil de l’ordre des avocats de Rome, il écrit avant sa mort à Rome ses Mémoires, publiés en 1959.
Encyclopédie Universelle. 2012.